Construire Bluebird et CTQ2 : une aventure aéronautique de toute une vie

Aircraft on Weller Farm

Merci de votre intérêt pour CTQ2.

J’ai commencé mes cours de pilotage à Tomahawk, dans le Wisconsin, alors que je travaillais pour Owens Illinois Inc., un très grand fabricant intégré de contenants en verre à l’époque. Mon instructeur, Ed Marquard, travaillait aussi à l’usine avec moi. Après environ huit heures passées dans son Piper Cub, nous avons atterri un jour, il est descendu et m’a dit : « Vas-y. » À ma grande surprise, l’avion a décollé beaucoup plus rapidement sans son poids à bord.

Ed avait déjà 65 ans en 1967 et détenait l’une des toutes premières licences d’instructeur aux États-Unis. Il aimait dire qu’il avait sorti ce Cub des bois plus d’une fois, l’avait rafistolé, et avait continué à voler. Son conseil était simple : « Essaie toujours de passer entre les troncs d’arbres ils accrocheront tes ailes et te laisseront descendre vivant. » C’est une sagesse qu’on n’oublie pas.

Après un certain temps, j’ai dû arrêter les cours, car nous avions besoin d’argent pour construire notre première maison. Ma femme en avait fait le plan, elle avait même fait une maquette, et nous l’avons en grande partie construite nous-mêmes sur un terrain de trois acres en bordure d’un plan d’eau. Plus tard, de retour au siège social dans l’Ohio, j’ai recommencé les leçons dans un Cherokee, mais j’ai dû encore une fois arrêter pour des raisons familiales.

En 1970, j’ai quitté Owens Illinois et nous avons déménagé à Stanstead, Québec. Nous avions aussi envisagé Homer, en Alaska, avec sa beauté sauvage et son esprit « on peut tout faire », mais ma femme préférait le Québec, plus près de la famille. Ce fut la bonne décision.

Un tournant est survenu le 31 décembre 1980, quand j’ai acheté un Aeronca Champ de 1946 accidenté à l’aéroport de Newport, au Vermont, pour 3 000 $. La gestionnaire, Cecile Wright, a accepté de me guider pour le reconstruire et le certifier une fois terminé. Habile de mes mains et avide d’apprendre, j’ai pris la responsabilité du travail et de ma sécurité. Une fois le projet achevé, j’ai baptisé l’avion Bluebird.

Piloter Bluebird m’a procuré une immense joie — et plus d’une frayeur — depuis. J’ai emmené de nombreux passagers admirer le patchwork de lacs, montagnes et vallées qui s’étendent de part et d’autre de la frontière Canada-États-Unis. Avant que la traversée ne devienne plus compliquée, j’ai volé avec Bluebird jusqu’à Oshkosh, Sun’n Fun et plusieurs rassemblements de l’EAA en Nouvelle-Angleterre et au Canada. Faire un vol d’un océan à l’autre à travers le Canada a toujours été un rêve, mais à 85 ans, cela restera peut-être un projet pour plus tard.

Comme je ne pouvais pas me permettre de garder mon avion à Newport et que j’étais bricoleur, j’ai décidé de construire mon propre aérodrome : CTQ2. Environ 15 ans de travail au bulldozer ont permis d’aménager une piste en herbe de 2 600 pieds, avec de bonnes approches sur les axes 01 et 19. Il a fallu persévérance, débrouillardise et le soutien de ma famille, mais le projet a vu le jour.

CTQ2 est devenu un centre communautaire. Chaque septembre, nous organisons un rassemblement aérien annuel qui attire des pilotes de partout. Cette année, ce sera notre 15e édition, le samedi 13 septembre 2025. Il n’y a ni frais d’atterrissage ni de stationnement, ni assurance — juste une ambiance conviviale. Pour 25 $, les invités peuvent savourer un hamburger ainsi que tout le maïs sucré et les produits frais qu’ils peuvent manger dans nos jardins et vergers. Certains viennent même pour un « fly-in U-Pic », profitant pleinement du cadre paisible au sommet de la crête.

Il y a quelques années, j’ai aussi organisé des fly-ins hivernaux sur la glace du lac Memphrémagog, où les avions canadiens et américains pouvaient stationner de part et d’autre de la frontière. Avec le temps, les pilotes ont même pu traverser à pied, se rencontrer et partager un repas en admirant leurs appareils respectifs. C’était une façon rare et mémorable de célébrer le lien entre les communautés aéronautiques transfrontalières.

Bien sûr, le climat politique actuel avec notre voisin du sud a rendu les vols transfrontaliers plus compliqués. Mais ces expériences au lac Memphrémagog me rappellent que l’aviation peut être un pont. Les amitiés nouées dans les airs perdurent bien au-delà des frontières et des politiques.

J’ai souvent pensé que nos deux pays pourraient s’inspirer du modèle européen de Schengen, qui permet une libre circulation et favorise des économies et amitiés renforcées. Inspiré par cette idée, j’ai enregistré une organisation à but non lucratif au Vermont, le CANUSA PROJECT, INC., dédiée à l’exploration de facilités de voyage et au rapprochement entre le Canada et les États-Unis. Ce n’est qu’une idée en germe, mais comme pour CTQ2, tout est question de vision et de travail pour la réaliser.

Je continue à réfléchir à de nouvelles idées, dont un concept innovant d’eVTOL qui, je l’espère, pourra un jour transporter automatiquement des passagers sur 500 miles ou plus. Qui sait ce que l’avenir réserve à l’aviation?

Pour moi, l’aviation a toujours été bien plus que des avions. C’est une question de communauté, de persévérance et de joie à créer quelque chose de ses mains, que ce soit en reconstruisant Bluebird ou en aménageant une piste au bulldozer. CTQ2 est la preuve qu’avec vision, travail et amour du vol, on peut accomplir beaucoup.

J’ai hâte d’accueillir à nouveau mes collègues pilotes en septembre prochain pour notre rassemblement aérien. Si vous cherchez bonne bouffe, bonne compagnie et le charme unique d’un aérodrome privé perché au sommet d’une crête, vous serez les bienvenus.